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  • Photo du rédacteurL'historienne

Immortaliser la mémoire vivante

Dernière mise à jour : 8 mai 2020

Alors que nous allons fêter cette année les 75 ans de la fin de la seconde guerre mondiale en Europe, les combattants à qui nous devons notre liberté rejoignent petit à petit leurs compagnons de résistance partis trop tôt.

Quand les témoins et acteurs de la seconde guerre mondiale rencontrent des élèves, ils permettent aux nouvelles générations de voir que la guerre n’est pas si éloignée, que l’humain peut être capable du pire comme du meilleur quelle que soit l’époque. Combien d’élèves ont été bouleversés par l’intervention dans leur établissement d’anciens résistants ou d’anciens rescapés des camps de la honte ?


La mémoire vivante n’est pas éternelle…


Malheureusement, la mémoire vivante s’éteint doucement, et il est de notre devoir de la transmettre pour qu’elle ne sombre pas dans l’oubli. À l’heure où la jeunesse délaisse journaux et livres au profit des vidéos pour se documenter, récolter les témoignages de nos aînés derrière une caméra prend tout son sens.


Les commémorations, un lieu de mémoire


Participer aux commémorations de sa ville est un bon moyen de prendre du recul par rapport à la vie politique de notre pays et du monde. Lors de ces commémorations, on rend hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté des générations futures. On prend conscience que leur sacrifice n’a pas été vain. Quelle famille, quel pays n’a pas été impacté par les derniers conflits mondiaux ? Si certains français n’avaient pas résisté, si De Gaulle ne s’était pas impliqué dans la libération de notre pays, serions-nous aujourd’hui libres de nous exprimer, de voter, de rire, de chanter, de danser, d’échanger, de vivre ?


Commémoration de la libération de L'Aigle en 2019
Commémoration de la libération de L'Aigle en 2019

Lors des commémorations, on rencontre aussi d’anciens combattants ou témoins, heureux de pouvoir transmettre leurs souvenirs. Le 8 mai 2015, alors que j’assistais aux commémoration dans la ville de L’Aigle, j’ai fait la connaissance de Fernand Lépinay, un ancien résistant qui a joué un rôle déterminant dans la mission de reconnaissance qui conduisit à la libération de sa ville. Je lui demandais alors s’il serait d’accord d’immortaliser son témoignage dans une vidéo. Malgré son accord, le tourbillon de la vie m’a fait remettre ce projet à un autre moment… Quatre ans plus tard, dans les mêmes circonstances, je le revois avec joie et, cette fois-ci, je prends rendez-vous avec lui pour de pas laisser passer une nouvelle fois la chance de recueillir un témoignage vivant en vidéo.


Fernand Lépinay, « le petit dernier inexpérimenté » du réseau Surcouf…


En 1943, alors qu'il a 17 ans, Fernand Lépinay distribue la presse clandestine quand l'un de ses amis, recherché par la Gestapo, trouve refuge chez ses parents à L'Aigle. En mai, le réseau de résistance Surcouf, lance un appel. Il se rend alors à Bernay où il retrouve son ami et d'autres résistants aguerris, avec lesquels il va rejoindre le réseau Surcouf dont la base était située à côté de Pont-Audemer. Se comparant à ses compagnons du réseau il déclare :

Moi, j'étais plutôt le petit dernier inexpérimenté !

Il gagnera le respect des autres membres du réseau grâce à la maîtrise du montage de l'arme qu'il s'était procurée plus tôt.



Fernand Lépinay, élément clé dans la libération de L’Aigle


Le 22 août 1944, l’Inns of Court, régiment de reconnaissance de la 11e Armoured Division britannique, arrive à L’Aigle par la rue de la gare après être passé sous le nez du canon d’un char allemand au carrefour de la route de St Evroult et de la Ferté-Fresnel.

Le lieutenant Jack Howdle et ses hommes sont bloqués dans L’Aigle où le pont de la Risle avait été détruit. Les anglais rencontrent alors un jeune résistant, Fernand Lépinay, qui les aida à rejoindre leur poste de commandement en évitant la route sur laquelle se trouvait toujours le char allemand…

75 ans plus tard, Fernand Lépinay témoigne dans la vidéo ci-dessous de cette rencontre fortuite et extraordinaire, qui fit de lui un membre d’honneur à vie de l’Inns of Court.


À la lecture du témoignage du Lieutenant Jack Howdle retranscrit dans le journal de l'Inns of Court de décembre 2012, on se rend compte de l'humilité de Fernand Lépinay qui a sauvé les anglais d'une situation périlleuse en risquant sa vie. Pourtant, d'après Jack Howdle, dans la liesse de la libération de L'Aigle quelques jours plus tard, la seule chose que le jeune résistant craignait était "ce que sa maman allait dire". Effectivement, il m'avait confié qu'il était parti du domicile familial pour rejoindre la résistance sans prévenir personne, ni même ses propres parents.


En hommage à nos humbles héros


De cet entretien où il m'a confié des souvenirs bien documentés, j'en garde un souvenir ému. Il était surpris de savoir que des personnes pouvaient s'intéresser à de vieux événements dont il avait été acteur. Il ne réalisait probablement pas son héroïsme, parlant plutôt de circonstances. Il m'avait prêté deux livres sur la résistance "sans date de retour" que je souhaitais lire avant de revenir le voir. J'avais simplement oublié qu'il n'était pas immortel, et je n'ai pas pu continuer notre conversation.

Fernand Lépinay nous a quitté le 1er mars 2020, laissant l'image d'un humble héros.

Si vous aussi vous connaissez d'humbles héros, prenez votre caméra, votre smartphone, votre dictaphone, et enregistrez cette mémoire vivante pour que leurs témoignages résonnent au-delà de leurs vies. Si l'histoire est un éternel recommencement, écoutons ces mémoires afin qu'elles nous servent de sentinelles pour ne pas répéter les mêmes erreurs du passé.


À vos caméras... Tournez ! Pour l'Histoire...
Les miniatures de l'Inns of Court de Fernand Lépinay
Les miniatures de l'Inns of Court de Fernand Lépinay

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